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La situation sécuritaire au Sahel[1] menace toute l’Afrique de l’Ouest et les pays côtiers ne sont plus épargnés par le phénomène terroriste. La menace n’est plus virtuelle. Elle est désormais un danger réel. Pour la première fois, des attaques terroristes ont été enregistrées contre les forces de défense et de sécurité du Bénin[2]. Les violences contre les populations civiles continuent au Nigéria, au Burkina Faso, au Niger et au Mali[3]. Même en quittant leurs lieux de résidence habituelle, elles n’échappent pas toujours aux terroristes, présents presque partout. Pour eux, la mobilité est un mode de survie, un peu comme la notion même de terrorisme, un concept fuyant, fluctuant et mouvant. Ce qui rend difficile son appréhension par le droit.

En effet, le phénomène terroriste échappe à toute unanimité quant à sa définition[4]. Le premier réflexe peut être de se tourner vers un dictionnaire. Selon Jean Salmon, le terrorisme est un « fait illicite de violence grave commis par un individu ou un groupe d’individus agissant à titre individuel ou avec l’approbation, l’encouragement, la tolérance ou le soutien d’un Etat, contre des personnes ou des biens, dans la poursuite d’un objectif idéologique, et susceptible de mettre en danger la paix et la sécurité internationales (…) »[5]. Cette définition, en dépit de son effort de précision, n’efface sans doute pas les divergences de vues[6] et partant, la diversité des conceptions de la notion de terrorisme, une notion, pour le moins ambigüe. Cette difficulté à appréhender et à cerner ce concept pose la problématique de sa reconnaissance en termes d’éléments constitutifs en droit international[7]. Si chaque Etat peut définir le terrorisme comme il l’entend, il n’est pas moins vrai que des divergences s’observent quant à une définition consensuelle au plan international[8]. « Les définitions du terrorisme sont perplexes, la notion est versatile et souffre parfois d’un subjectivisme »[9]. Une notion élastique.

 

  1. L’élasticité du concept de terrorisme

Il y a eu plusieurs tentatives de définition du terrorisme en droit international[10], mais elles n’ont pas connu d’aboutissement utile et ont été avortées[11]. L’appréhension juridique du phénomène terroriste est passée par divers stades. Le terrorisme était appréhendé non seulement par les effets qu’il produit mais aussi par les raisons qui sous-tendent les actes terroristes.

Seulement, si la définition semble impossible au plan universel, les Etats peuvent dans un cadre régional, s’entendre sur une appréhension commune du terrorisme.

Des tentatives d’appréhension régionale

Dès 1999, les Etats membres de l’Organisation de l’Unité Africaine – Union Africaine aujourd’hui – considérant les objectifs et les principes énoncés dans sa Charte, en particulier les clauses relatives à la sécurité, à la stabilité, à la promotion de relations amicales et à la coopération entre les Etats membres ; mais surtout convaincus que le terrorisme constitue une violation grave des droits de l’homme, en particulier des droits à l’intégrité physique, à la vie, à la liberté et à la sécurité, et qu’il entrave le développement socio-économique en déstabilisant les Etats ; et conscients des liens croissants entre le terrorisme et le crime organisé, notamment le trafic illicite des armes[12] et des drogues, et le blanchiment d’argent et résolus à éliminer le terrorisme dans toute ses formes et manifestations, sont convenus des dispositions de l’article premier de la Convention de l’OUA sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme : « Est “Acte terroriste“ : tout acte ou menace d’acte en violation des lois pénales de l’Etat partie susceptible de mettre en danger la vie, l’intégrité physique, les libertés d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui occasionne ou peut occasionner des dommages aux biens privés ou publics, aux ressources naturelles, à l’environnement ou au patrimoine culturel, et commis dans l’intention : (i) d’intimider, provoquer une situation de terreur, forcer, exercer des pressions ou amener tout gouvernement, organisme, institution, population ou groupe de celle-ci, d’engager toute initiative ou de s’en abstenir, d’adopter, de renoncer à une position particulière ou d’agir selon certains principes ; ou(ii) de perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation de crise au sein des populations ;(iii) de créer une insurrection générale dans un Etat partie. Toute promotion, financement, contribution, ordre, aide, incitation, encouragement, tentative, menace, conspiration, organisation ou équipement de toute personne avec l’intention de commettre tout acte mentionné au paragraphe (i) à (iii) ». De tels compromis sur la notion de terrorisme n’enlèvent évidemment rien à sa complexité[13].

Une approche toujours partielle

Les Conventions ou traités internationaux en matière de terrorisme, s’ils ne se rapportent pas à certains aspects du phénomène, ne concernent en général que des zones géographiques spécifiques. Il y a aujourd’hui une nécessité « quasi-obsessionnelle »[14] de parvenir à une définition unanime et globale du terrorisme en droit international. Bien sûr, la définition restera une définition ; mais au regard des enjeux pour la paix et la sécurité, elle permettra une certaine convergence des vues et des approches. Car, le terrorisme défiant les frontières, des coopérations entre les Organisations internationales s’avèrent nécessaires dans la lutte contre le phénomène. Il va sans dire que la réussite des coopérations exige une certaine unanimité et une concordance dans les stratégies à mettre en œuvre. Pour ce faire, il faut une adaptation du droit, toujours enfermé dans une sorte de plasticité.

  1. La plasticité du droit

De toute évidence, il y a de nombreuses difficultés pour le droit international et les Organisations internationales à approcher, à définir et à appréhender le terrorisme international[15]. Pourtant, au regard des enjeux pour la paix et la sécurité en Afrique, et au-delà, une certaine convergence de vues et une unanimité sur la définition du terrorisme seraient bénéfiques. Dans ce sens, l’effort d’encadrement juridique du phénomène par le Conseil de sécurité, à travers des résolutions, pose in fine la question du droit applicable à la lutte contre le terrorisme international.

 

L’œuvre normative du Conseil de sécurité

Le droit international se nourrit d’accords conclus entre les Etats ou relevant des Organisations internationales[16]. Envisageant la lutte contre le terrorisme dans une perspective juridique[17], plusieurs conventions ont été adoptées par diverses Organisations internationales[18], en vue de prévenir et de sanctionner les actes terroristes. Mais, après les attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations Unies s’active grandement dans la lutte contre le terrorisme[19], en le considérant comme une menace à la paix et à la sécurité internationales[20]. L’organe principal en charge du maintien de la paix et de la sécurité internationale des Nations Unies, se dégage des règles du droit international en matière de terrorisme, et n’hésite pas à imprimer « des conduites précises aux Etats »[21]. Les attentats du 11 septembre 2001 ont en effet suscité de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité[22].

La première est celle adoptée le 28 septembre 2001 ; il s’agit de la résolution 1373, dans laquelle le Conseil affirmait l’obligation qui incombe aux Etats de prévenir et sanctionner les actes terroristes. Entre autres mesures, « ils doivent prendre des dispositions nationales incriminant la fourniture ou la collecte délibérée par les nationaux sur leur territoire des fonds destinés au terrorisme. Ces mesures comportent également le gel des fonds ou des avoirs financiers voire des ressources économiques liées aux activités terroristes »[23]. A travers cette résolution 1373, le Conseil de sécurité fait un véritable travail de législation[24] car, au-delà de sa « généralité »[25] et de son « abstraction »[26], la résolution est rendue obligatoire par « la référence faite au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies »[27]. Le caractère obligatoire est davantage accentué par l’instauration d’un Comité Contre le Terrorisme (CCT)[28]. De nombreuses autres résolutions ont été adoptées par le Conseil de sécurité en matière de la lutte contre le terrorisme, notamment la résolution 1566 du 08 octobre 2004. Elle vient davantage mettre l’accent sur la menace à la paix et à la sécurité internationales que constitue le terrorisme. « Les actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves (…) qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme ne sauraient en aucune circonstance être justifiés par des motifs de nature politique, philosophique, idéologique (…) »[29]. On peut donc constater que la grande activité « législative »[30] du Conseil de sécurité – à travers l’adoption de nombreuses résolutions[31] – , en matière de la lutte contre le terrorisme international, illustre la place centrale de ce phénomène, qui est devenu « un problème de sécurité collective globale qu’il convient de traiter avec une attention soutenue supposant de dégager une méthode »[32]. Les moyens de lutte contre le phénomène doivent-ils en effet, être appréhendés comme de la légitime défense[33] ou relevant d’une guerre[34] ? Ce qui est certain, c’est qu’une méthode appropriée de lutte est nécessaire, au regard de l’inadaptation de la Charte des Nations Unies, « élaborée dans un contexte où ne se posait pas vraiment ce genre de question »[35].

La communauté internationale est alors confrontée à une question fondamentale, la même question que s’est posée Hélène Tigroudja, celle du « droit applicable à la guerre au terrorisme »[36].

La question du droit applicable au terrorisme

« Les premières réactions suscitées par les attentats du 11 septembre 2001 (…) ont convergé pour souligner les conséquences de ces évènements sur le droit international »[37]. Levant le voile sur les limites du droit international[38], le phénomène terroriste en général, et les attentats du 11 septembre 2001 en particulier, occasionnent une époque nouvelle dans l’histoire des relations internationales, à tel enseigne qu’on est amené à parler d’un « avant » et d’un « après » 11 septembre 2001[39]. « Chaque nouveau conflit ou chaque nouvelle forme de violence a pour conséquence de remettre en cause l’état de droit existant et notamment le droit des conflits armés »[40]. Si les transformations sociétales influent sur les conflits[41], l’évolution du droit (international) est fonction de l’évolution des conflits[42]. Ces derniers constituent de ce fait des facteurs déterminants de changement du droit. Le droit international des conflits armés serait donc « en retard d’un conflit »[43], à en croire Patrick Daillier et Alain Pellet.

Le droit international est, dans ces conditions, sérieusement éprouvé par le terrorisme international. Car, la conception de la guerre fait beaucoup plus l’unanimité que celle du terrorisme international[44]. En effet, « au sens classique, la guerre s’entend de tout conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs Etats, l’état de guerre étant déclaré entre les belligérants »[45]. Le terrorisme, appréhendé comme « un fait illicite (…) commis par un individu ou un groupe d’individus (…) contre des personnes ou des biens, dans la poursuite d’un objectif idéologique » appelle une « violence grave » qui constitue sans doute une menace pour la paix et la sécurité internationale[46]. Seulement, l’origine de la violence terroriste et les fins auxquelles elle est utilisée diffèrent de celles de la guerre[47].

Cependant, si les similitudes et les différences entre les notions de guerre et de terrorisme, peuvent être identifiées[48], cela ne facilite pas pour autant, l’appréhension par le droit international du phénomène terroriste[49]. Confronté à l’épreuve terroriste, le droit international a bien du mal à faire sa preuve. La menace terroriste lui enlève sa « réelle pertinence »[50] et le rend « incapable de jouer un rôle »[51], dans la conception des stratégies de lutte antiterroriste[52]. Comme l’affirment Jean-Baptiste Duroselle et André Kaspi, les attentats du 11 septembre 2001 ont traumatisé les Etats-Unis, donnant au monde un « spectacle d’horreur »[53]. Devant la vulnérabilité de la seule superpuissance, de l’hyperpuissance, de la « nation indispensable » depuis l’effondrement de l’Union Soviétique, le monde fut en effet frappé de stupéfaction et d’ahurissement, mais pas seulement ; le droit international aussi. « Le droit lui aussi semble frappé de stupeur, incapable de nommer ce qui venait de se produire et qui n’obéissait à aucune de ses catégories homologuées »[54].

Cette remarque de Claire Trean interpelle à plus d’un titre, notamment au regard de la formule élégante et lumineuse de Léon Bourgeois, selon laquelle, « la paix, c’est la durée du droit »[55]. Si la paix n’a alors de place que dans l’univers juridique, l’inadaptation du droit et conséquemment des Organisations internationales de maintien de la paix, devant les « nouvelles guerres »[56] en particulier et les conflits intra-étatiques en général, n’autorise plus à poser des garrots avant de s’interroger sur une éventuelle impossibilité quasi-ontologique des chantres de la paix, à prévenir, gérer et résoudre les conflits en Afrique depuis 1990. Car, les zones d’action du terrorisme s’élargissent.

 

  • Les étirements des zones d’action

 

Les évènements du 11 septembre 2001 ont considérablement étendu les champs d’action des groupes terroristes.

 

La nouvelle ère du 11 septembre

Le 11 septembre 2001, avec les attentats contre les tours jumelles du World Trade Center de New York, constitue un tournant majeur dans l’histoire des relations internationales[57]. Un phénomène nouveau émerge, même si quand on revisite l’histoire, on peut se rendre compte que le terrorisme existait[58]. Seulement, si on peut admettre que le terrorisme ne constitue pas vraiment un phénomène nouveau, il est certain qu’il connaît des caractéristiques nouvelles et une ampleur nouvelle, notamment avec les attentats du 11 septembre 2001.  En effet, « (…) Le terrorisme est devenu capable de frapper au cœur de tous les pays, à une échelle de violence sans précédent, avec un degré de préparation internationale et d’intensité dans l’action jamais atteint auparavant par des groupes terroristes (…) »[59]. Le terrorisme « n’est pas une doctrine, que l’on pourrait placer sur le même plan que le communisme, le nazisme ou le tiers-mondisme. Il est avant tout un moyen, une méthode pour faire peur, pour imposer une volonté, des objectifs rationnels ou irrationnels »[60]. Le terrorisme utilise une violence aveugle et fait fi de toutes considérations morales ; il fait des victimes innocentes et estime que personne n’est vraiment innocente ; « il réclame de ses séides une obéissance sans failles qui va jusqu’au sacrifice suprême »[61]. Kamikazes, porteurs d’explosifs, conducteurs de véhicules piégés, pilotes d’avions, etc. tuent, exécutent, mutilent ; « des bombes humaines qui en se suicidant échappent au jugement des hommes pour devenir des martyrs »[62]. Les dégâts matériels et humains peuvent être énormes, les spectacles d’horreur sont parfois insupportables. Cette ampleur du phénomène terroriste ne s’apprécie pas seulement d’un point de vue « quantitatif »[63] ; elle révèle aussi une « évolution qualitative, en ce qui concerne les moyens et les possibilités d’action des terroristes »[64].

Le phénomène terroriste devient de plus en plus une problématique cruciale et centrale des relations internationales en général, et pour l’Afrique en particulier. Le terrorisme est donc à craindre. Sa persistance, son ampleur de plus en plus grande constituent des enjeux cruciaux pour la quiétude des populations, la stabilité des Etats, et partant, la paix et la sécurité sous-régionales, régionales et internationales.

Si pendant la guerre froide, c’étaient surtout les nations occidentales[65] qui constituaient les cibles privilégiées des attaques terroristes[66], on peut voir depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’amorce d’une ère nouvelle et l’exploration de nouveaux champs et de nouvelles régions du monde, notamment l’Afrique.

L’exploration des aires africaines

Depuis les événements du 11 septembre, le terrorisme est devenu une menace planétaire, n’épargnant aucune partie du monde. Ils ont notamment révélé au monde que nul n’est à l’abri de la violence aveugle des groupes terroristes. Très tôt, Bill Clinton[67] l’avait compris. « Nul n’est à l’abri du terrorisme, que l’on se trouve dans le métro de Tokyo ou dans un autocar à Tel-Aviv, que l’on fasse du lèche-vitrine à Londres, que l’on se promène dans les rues de Moscou, que l’on soit militaire en Arabie Saoudite ou fonctionnaire à Oklahoma-city[68], le terrorisme est désormais un fléau aveugle qui fait fi des frontières »[69].  On pourrait étendre les zones mentionnées par l’ancien Président américain, à l’Afrique. Il est donc clair qu’aucun continent, aucun pays ne peut se prétendre aussi fort, aussi éveillé et aussi mieux préparé pour faire face ou pour échapper à ce phénomène qui menace de jour en jour, et chaque jour un peu plus, l’humanité.

L’Afrique qui était relativement épargnée, est devenue un terrain favorable et particulièrement fertile pour les réseaux terroristes. Le phénomène terroriste s’implante sur ce continent, avec l’utilisation de plus en plus fréquente de la notion d’hyper-terrorisme. Cette apparition se fera sentir surtout en 1998 avec les attentats terroristes contre les ambassades américaines[70] au Kenya et en Tanzanie qui ont fait plusieurs morts aussi bien dans les rangs américains que dans ces deux pays, qui ont dénombré de nombreuses victimes innocentes[71]. Sans doute, ces actes vont marquer le début des désastres. Al-Qaïda a donc annoncé ses couleurs sur le continent africain. Même si la cible n’était pas forcément l’Afrique, il est indéniable que les actes criminels se sont passés sur le sol africain, désormais cible privilégiée des terroristes qui y trouvent beaucoup d’intérêts et en font une base arrière à l’instar de l’Afghanistan, ou de l’Irak. On a pu qualifier la Somalie d’un Irak à l’africaine[72].

A un niveau sous-régional, l’Afrique de l’Ouest, particulièrement au niveau de la façade Sud de la bande sahélo-saharienne, qui traverse l’Afrique d’Est en Ouest, est confrontée à une multitude de défis d’ordre sécuritaire : montée de l’extrémisme religieux, de l’islamisme radical et plus spécifiquement, le terrorisme.

Si dans la Corne de l’Afrique, la Somalie est présentée comme un « Irak à l’africaine », le phénomène s’est accentué au Nord et à l’Ouest de l’Afrique, et ce, depuis le basculement de certains régimes arabes, tels, la Tunisie, l’Egypte, la Libye, etc. Aujourd’hui, l’Afrique de l’Ouest comporte un vrai risque d’islamisation. « La sphère terroriste a connu une mutation (…) qui a débouché sur l’émergence d’un terrorisme d’inspiration islamiste et d’envergure planétaire »[73].

Des risques nouveaux menacent ainsi la stabilité de l’Afrique de l’Ouest, avec la prolifération des mouvements terroristes, qui y trouvent un terrain favorable. La bande sahélo-saharienne de la sous-région ouest-africaine constitue actuellement l’épicentre du phénomène terroriste. Cette situation est en grande partie le fait des groupes terroristes qui y sont présents et actifs ; c’est le cas de la branche maghrébine de la mouvance Al-Qaida, Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), du Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), de la secte nigériane Boko Haram, etc.  Chacun de ses groupes (en fonction de ses origines, de ses objectifs et de ses modes d’action) et tous ensembles, compte tenu des alliances et dynamiques de collaboration qui se mettent en place et se renforcent, représentent le visage (ne serait-ce que celui qui est visible, structuré et revendiqué) de l’islamisme radical et du terrorisme en Afrique de l’Ouest. Les liens qui s’établissent et se renforcent progressivement entre ces différents groupes portent les germes d’une menace particulièrement dangereuse et difficile à combattre. La résolution de la crise malienne a été placée sous le signe de la lutte contre le terrorisme, en raison de la présence de groupes armés comme le Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), mais également en raison de la présence d’Al-Qaida, Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Un pays comme le Nigéria est confronté à la lutte contre le groupe Boko Haram. Un pays comme le Bénin devrait rester vigilant car, une crise sérieuse pourrait vite se propager à partir de foyers comme le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigéria où des tensions inter-ethniques (et religieuses) vives naviguent juste au-dessus de la surface. Ce qui ouvre, au sein des Etats, des fenêtres voire des portes aux groupes terroristes.

  1. Les déchirures des Etats africains

La faiblesse de l’Etat en Afrique y entraîne l’implantation rapide de plusieurs organisations terroristes[74]. La problématique de l’Etat failli ou de l’Etat en déliquescence fragilise la sécurité et la stabilité de l’Afrique qui se trouvent ainsi menacées ; elles sont devenues une question globale, qui ne peut être correctement appréhendée qu’en référence à la problématique sur la nature particulière et la solidité effective de l’Etat africain contemporain. En général, l’on peut affirmer que plusieurs Etats apparaissent comme fragiles[75] en Afrique, avec même quelques cas d’effondrement complet (Etats faillis), pour des raisons à la fois internes et externes, une régression de la bonne gouvernance, parallèlement à une succession de crises économiques aiguës durant les dernières décennies. La mauvaise gouvernance, la précarité économique, la paupérisation des populations, l’exacerbation des tensions inter-ethniques ou religieuses, le désœuvrement des jeunes, etc. sont autant de déchirures ou de fissures que les Etats africains doivent travailler à corriger car, elles alimentent le phénomène terroriste. Pour y arriver, peut-être faudra-t-il converger davantage leurs efforts dans une sorte de coopération ou de partenariat interinstitutionnel, qui peut apparaître comme un précieux outil de sécurité.

[1] Lire Emmanuel Odilon Koukoubou, « Le Sahel post Déby », CiAAF, Position paper n° 7, avril 2021, https://www.ciaaf.org/derniers-articles/le-sahel-post-deby/, consulté le 11 mars 2022.

[2] Lire Expédit Ologou, « Terrorisme au Bénin : pistes pour une gouvernance réaliste », CiAAF, Focus paper n° 4, 22 février 2022, https://www.ciaaf.org/focus-paper/terrorisme-au-benin-piste-pour-une-gouvernance-realiste/, consulté le 11 mars 2022.

[3] Lire Emmanuel Odilon Koukoubou, « Adieu Barkhane ! Scénarios futurs de l’antiterrorisme malien », CiAAF, Focus paper n° 5, 23 février 2022, https://www.ciaaf.org/focus-paper/adieu-barkhane-scenarios-futurs-de-lantiterrorisme-malien/, consulté le 11 mars 2022.

[4]Lire Sébastien Daziano, Faut-il supprimer l’ONU ? Le droit international en crise, Paris, Ellipses, 2006, p. 95.

[5] Jean Salmon (Sous dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 1081.

[6] Il ne serait pas vain de préciser que ces divergences étaient beaucoup plus accentuées pendant la guerre froide qu’après cette période de la rivalité Est-Ouest.

[7]Lire Charles Olorounko, Le Bénin à l’épreuve du terrorisme international, Mémoire de DEA en droit public, Université d’Abomey-Calavi, 2015, 115 p.

[8] Il est vrai qu’on peut tirer la définition du terrorisme de plusieurs sources : les traités et conventions, la coutume, les principes généraux du droit, la doctrine, ou encore le droit dérivé, c’est-à-dire les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives à la question. Mais, en l’absence d’une définition unanime, les Etats, s’ils n’adoptent pas des conventions internationales relatives à des aspects spécifiques du phénomène, s’accordent sur une définition, plus ou moins générale, par zone géographique.

[9] V. Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, Thèse de doctorat en droit international et relations internationales, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2008, p. 44.

[10]Lire Alain Bauer, Christophe Soullez, Terrorismes, Paris, Dalloz, 235 p.

[11]V. Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, op. cit., p. 17.

[12] Lire Cédric Poitevin, « Prolifération des armes légères : un état des lieux », in Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.), Nouvelles guerres. L’état du monde 2015, Paris, La Découverte, 2014, pp. 93-98.

[13]Cf. Alain Bauer, Christophe Soullez, Terrorismes, op. cit.

[14] V. Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, op. cit., p. 44.

[15] V. Hélène Tigroudja, « Quel(s) droit(s) applicable(s) à la guerre au terrorisme », Annuaire français de droit international, Vol. 48, 2002, pp. 81-102.

[16] Sur le concept de droit international, voir Patrick Daillier, Alain Pellet, Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, pp. 35-107.

[17] Cf. Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, op. cit., p. 9.

[18] On peut mentionner l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA), l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), l’ONU, etc.

[19]V. Samar Yassine, Le Conseil de sécurité et la lutte contre le terrorisme, Thèse de droit public, Université Montpellier 1, Université Libanaise, 2011, 526 p.

[20] Cf. la Résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 28 septembre 2001.

[21] V. Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur le pouvoir législatif du Conseil de sécurité de l’ONU », in Revue béninoise des sciences juridiques et administratives (RBSJA), n° 19, décembre 2007, p. 127.

[22]Voir, Pierre-Marie Dupuy, Yann Kerbrat, Les grands textes de droit international public, Paris, Dalloz, 8ème édition, 2012, pp. 373-471. Voir également, Mélanie Albaret, Emmanuel Decaux, Nicolas Lemay-Hebert, Delphine Placidi-Frot, Les grandes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, Paris, Dalloz, 2012, 613 p.

[23] V. Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur le pouvoir législatif du Conseil de sécurité de l’ONU », op. cit., p. 127.

[24] V. Catherine Denis, Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité des Nations Unies : portée et limites, Bruxelles, Bruylant, 2004, 408 p. V. aussi, Corine Lesnes, « Le Conseil de sécurité, législateur mondial ? », Le Monde, 10 avril 2004. Adama Kpodar, « Considérations juridiques sur la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité », Revue de la recherche juridique, Droit prospectif, 2004-2, pp. 1259-1279. Christian Trimua, « La nature du pouvoir normatif du Conseil de sécurité dans la doctrine : l’irréfutable et le souhaitable », Revue béninoise des sciences juridiques et administratives (RBSJA), n° 19, décembre 2007, pp. 95-119.

[25] Cf. Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur le pouvoir législatif du Conseil de sécurité de l’ONU », op. cit., p. 128.

[26]Ibid.

[27]Ibid.

[28] V. Eric Rosand, « Security Council : Resolution 1373, the Counter terrorism Committee and the fight against terrorism », in AJIL, vol. 97, n°2, 2003, pp. 333-342. Walter Gehr, « Le Comité contre le terrorisme et la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité », in Actualité et droit international, 2003, pp. 4 et ss. François Alabrune, « La pratique des Comités de sanctions du Conseil de sécurité depuis 1990 », Annuaire Français de Droit International (AFDI), 1999, pp. 226-279. Martti Koskenniemi, « Le Comité de sanctions (créé par la résolution 661 (1990) du Conseil de sécurité) », in AFDI, 1991, pp. 119-137.

[29] Cf. paragraphe 3, résolution 1566, du 08 octobre 2004.

[30] V. Dodzi Kokoroko, « Réflexions sur le pouvoir législatif du Conseil de sécurité de l’ONU », op. cit., pp. 123-153.

[31]Mélanie Albaret, Emmanuel Decaux, Nicolas Lemay-Hebert, Delphine Placidi-Frot, Les grandes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, op. cit.

[32] V. Josiane Tercinet, « Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité : le Conseil de sécurité peut-il légiférer », in Arès, n° 55, vol. XXI, 2005, p. 78.

[33] V. Joe Verhoeven, « Les « étirements » de la légitime défense », AFDI, vol. 48, 2002, pp. 49-80.

[34] V. Eric David, « Sécurité collective et lutte contre le terrorisme : guerre ou légitime défense ? », in SFDI, Les métamorphoses de la sécurité collective. Droit, pratique et enjeux stratégiques, Paris, Pedone, 2005, pp. 143-148.

[35] V. Josiane Tercinet, « Le pouvoir normatif du Conseil de sécurité : le Conseil de sécurité peut-il légiférer », op. cit.

[36] Hélène Tigroudja, « Quel(s) droit(s) applicable(s) à la guerre au terrorisme », op. cit.

[37]Ibid., p. 81.

[38] Voir Yves Daudet, « International action against State terrorism », in Rosalyn Higgins et Maurice Flory (M.), Terrorism and International Law, London/New-York: LSE/Routledge, 1997, pp. 201 et ss.

[39] Hélène Tigroudja, op.cit. Voir aussi, Luigi Condorelli, « Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs suites : où va le droit international ? », Revue Générale de Droit International Public (RGDIP), 2001, pp. 829 et ss.

[40] Hélène Tigroudja, op.cit., pp. 82-83.

[41] Arnaud Blin, « Groupes armés et conflits intra-étatiques : à l’aube d’une nouvelle ère ? », op. cit., p. 26.

[42] Hélène Tigroudja, op.cit., pp. 82-83.

[43] Patrick Daillier et Alain Pellet, Droit international public, op. cit., p. 967.

[44] V. Eric David, « Sécurité collective et lutte contre le terrorisme : guerre ou légitime défense ? », op. cit.

[45] Hélène Tigroudja, op.cit., p. 83. Il est utile de préciser que la guerre est devenue une catégorie particulière de conflits armés ; ceci s’explique par « l’évolution du droit de la guerre caractérisée par la disparition progressive de la déclaration de guerre ». Cf. Hélène Tigroudja, op.cit. Aux termes des dispositions de l’article 2 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949, il y a conflit armé, même en l’absence de toute reconnaissance de l’état de guerre par l’une des parties.

[46] Jean Salmon, cité par Hélène Tigroudja, op.cit., p. 83.

[47] V. Hélène Tigroudja, op.cit.

[48] V. Eric David, « Sécurité collective et lutte contre le terrorisme : guerre ou légitime défense ? », op. cit.

[49]Lire Ludovic Hennebel, Damien Vandermeersch (Dir.), Juger le terrorisme dans l’Etat de droit, Bruxelles, Bruylant, 2009, 542 p.

[50] Luigi Condorelli, « Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs suites : où va le droit international ? », Revue Générale de Droit International Public, 2001, p. 829.

[51]Ibid.

[52] Luigi Condorelli, « Les attentats du 11 septembre 2001 et leurs suites : où va le droit international ? », op. cit.

[53] Jean-Baptiste Duroselle et André Kaspi, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, Paris, Armand Colin, 2004, p. 611.

[54] Claire Trean, « Terrorisme, guerre : les armes du droit international », Le Monde, 18, 19 novembre 2001, p. 13.

[55] V. Léon Bourgeois, Pour la Société des nations, Paris, Editions Eugène Fasquelle, 1910, p. 7.

[56] Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.), Nouvelles guerres. L’état du monde 2015, op. cit.

[57] V. Jean-Baptiste Duroselle et André Kaspi, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, op. cit., p. 611.

[58] Avant le 11 septembre, il y a eu de nombreux attentats. On peut mentionner, entre autres, les attentats d’Italie de 1980, de Beyrouth de 1983, l’attentat de 1993 contre le World Trade Center (6 morts, 1042 blessés), celui d’Oklahoma City aux Etats-Unis en 1995, les attentats contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, en 1998, etc. Mais, il est utile de préciser qu’il faut remonter à la révolution française de 1789 pour voir les origines du terrorisme. Le terme « terrorisme » est apparu pour la première fois dans le supplément du dictionnaire de l’Académie française en 1798, et désignait un mode de gouvernement. Cf.  Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, op. cit., p. 14.

[59] Cf. Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale Française, 2008.

[60] Cf. Jean-Baptiste Duroselle et André Kaspi, Histoire des relations internationales de 1945 à nos jours, op. cit., p. 612.

[61]Ibid.

[62]Ibid., p. 613.

[63] V. Adriano Mendy, La lutte contre le terrorisme en droit international, op. cit., p. 8.

[64]Ibid.

[65] Les pays d’Europe et d’Amérique du Nord.

[66] Elles continuent de constituer des cibles des attaques terroristes.

[67] Homme d’Etat américain, 42ème Président des Etats-Unis, de 1993 à 2001.

[68]Il s’agit entre autres : mars 1995 : attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo ; avril 1995 : attentat contre le bâtiment de l’administration fédérale à Oklahoma City (Etats-Unis) ; janvier 1996 : attentat contre la banque centrale du Sri Lanka. Cf. Questions internationales, juillet-aout 2004.

[69] V. Dossiers mondiaux, Revue électronique de l’Agence d’information des Etats-Unis, février 1997, p. 1. A consulter sur : http://www.usinfo.state.gov/journals.

[70] Les attentats des ambassades américaines en Afrique de 1998 se déroulèrent le matin du 07 août 1998 à Nairobi, au Kenya, et à Dar es Salam, en Tanzanie. Les auteurs de ces actes étaient liés à des membres locaux d’Al-Qaïda, Ben Laden devient alors l’ennemi numéro un des Etats-Unis d’Amérique bien avant les horreurs du 11 septembre 2001.

[71] En majorité, des civils.

[72] Lire Thierry Bidouzo, Le Conseil de sécurité des Nations Unies et la crise somalienne : renonciation ou carence fonctionnelle ?, Mémoire de DEA, Chaire Unesco des droits de la personne humaine et de la démocratie de l’Université d’Abomey-Calavi, 2012, pp. 37-39.

[73] Cf. Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale Française, op. cit.

[74] V. Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.), Nouvelles guerres. L’état du monde 2015, op. cit.

[75] Lire Wilfried Ahouansou, Les Etats fragiles en Afrique et les Organisations internationales, Thèse de droit public, Université d’Abomey-Calavi, 2020, 562 p.

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