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L’année 2020, début d’une nouvelle décennie, aura bousculé l’humanité tout entière tant dans son mode de vie normal, dans ses activités plurielles que dans les aspects liés à sa santé et à son devenir. La crise sanitaire actuelle générée par l’envolée de la pandémie de la Covid-19 défie les certitudes scientifiques, technologiques et médicales établies jusque-là, et remet en cause l’assurance d’un lendemain meilleur qui interroge et continue d’agiter à la fois plus d’un. En dépit des gestes barrières édictés par l’OMS qui renvoient à l’hygiène des mains, à la distanciation sociale d’un mètre, à l’évitement de toucher les yeux, le nez et la bouche, à la pratique de l’hygiène respiratoire, et au recours au plus tôt à l’assistance médicale en cas de fièvre, de toux sèche et de difficultés respiratoires, le virus continue sa propagation dans tous les coins du monde. Le nouveau coronavirus demeure un agent pathogène qui menace et perturbe l’humanité1. Outre ces gestes barrières, l’identification rapide et l’isolement des patients suspects, associée à l’usage approprié de l’équipement personnel de protection2, constituent les méthodes les plus fiables adoptées çà et là par les Etats pour riposter contre l’ennemi invisible qu’est le coronavirus. Lesdites mesures réduisent la mobilité humaine, de sorte que les secteurs vitaux de l’économie s’en trouvent durement frappés. A l’instar du système sanitaire, des transports terrestre et aérien, en passant par le commerce, le tourisme, la restauration et l’industrie hôtelière, la sécurité alimentaire est compromise par la Covid-19. A supposer que la production primaire des denrées alimentaires ne puisse pas être sévèrement touchée en raison de ce que les exploitations agricoles sont souvent géographiquement distantes des milieux urbains à forte densité de population, il est envisageable que la pandémie affecte les opérations de récolte, de transport et de distribution des vivres3. Or, la campagne agricole commence à peine avec l’installation des premières pluies dans les pays tropicaux où l’agriculture est essentiellement pluviale. En Afrique de l’Ouest particulièrement où l’on enregistre une prépondérance des petites exploitations agricoles familiales et où la faim et la malnutrition demeurent principalement des phénomènes ruraux4, la question de la résilience des petits producteurs dans ce contexte de choc est centrale. Partant de ces caractéristiques de petites surfaces, d’un outillage peu mécanisé, de la prédominance de la main-d’œuvre familiale et de l’affectation d’une bonne partie de la production à l’autoconsommation5 , l’exploitation agricole familiale subit déjà et peut-être encore de plein fouets les effets de la crise sanitaire. La situation est d’autant plus préoccupante que ce sont les petits agriculteurs mieux que ceux exerçant l’agriculture intensive, qui représentent l’épine dorsale de la sécurité alimentaire du monde6. On se demande ce qui adviendra de cette proportion non négligeable d’agriculteurs à faible revenu si la période de crise s’étalait à l’infini avec l’accès aux facteurs de production limité. Comment améliorer la résilience de ces petits agriculteurs en proie à l’insécurité alimentaire face au choc de la Covid-19 ? Le présent article tente de répondre à ce questionnement qui certainement taraude l’esprit aussi bien des dirigeants, des acteurs concernés que de tout citoyen du monde.

   I- Cadre théorique

Le concept de la résilience a été étudié dans plusieurs domaines par divers auteurs. Le présent cadre théorique permet de rendre compte des travaux de ces auteurs.

   A- Concept de résilience

La notion de « résilience » est à usage multidisciplinaire et a été abondamment appliquée dans les domaines de la physique, de la psychologie, de l’ingénierie, de l’écologie7, du développement tout court et plus récemment de la sécurité alimentaire.

Analysant les apports potentiels de ce concept dans le domaine de la sécurité alimentaire, Vonthron Simon et ses collègues8 ont indiqué qu’il permettait de situer des événements plus ou moins brutaux par rapport à des trajectoires longues des individus/ménages qui sont affectés par une multiplicité de perturbations modifiant leur niveau de bien-être ou de vie tant dans le temps que dans leur diversité (inondations, épidémies, crises politiques, etc.). Dans cette perspective, la résilience est mobilisée pour identifier des actions permettant d’apporter des réponses aux perturbations afin de faire évoluer le système vers un état désiré, contrairement à la réduction de la vulnérabilité qui est plutôt employée pour des actions de gestion visant principalement à atténuer l’effet des perturbations négatives. Les auteurs ont souligné que la résilience doit susciter « la montée en puissance des transferts sociaux » qui peuvent être simultanément exploités de façon ponctuelle pour épauler les populations à se remettre d’un choc et de façon pérenne au travers de politiques de protection sociale. On peut en déduire que la résilience correspond à un faisceau de mesures prises pour rétablir la normalité de la vie des individus/ménages face à une crise ou un choc négatif…Lire la suite

1 Siche Raúl, « What is the impact of COVID-19 disease on agriculture? », Scientia Agropecuaria, 2020, vol. 11, n°1, pp. 3-6.

2 Columbus Cristie, Brust Karen, and Arroliga Alejandro, « 2019 novel coronavirus: an emerging global threat », Baylor University Medical Center Proceedings, Taylor & Francis, 2020, pp. 209-212.

3 Shahidi Fereidoon, « Does COVID-19 Affect Food Safety and Security? », Journal of Food Bioactives, 2020, vol. 9, pp. 1-3.

4 Ecker Olivier, « Agricultural transformation and food and nutrition security in Ghana: Does farm production diversity (still) matter for household dietary diversity? », Food policy, 2018, vol. 79, pp. 271-282.

5 Andrianantoandro Voahirana Tantely, Jean-François Bélières, « L’agriculture familiale malgache entre survie et développement: organisation des activités, diversification et différenciation des ménages agricoles de la région des Hautes Terres », Revue Tiers Monde, 2015, no 1, pp. 69-88 ; Allali Boujemaa, « Les paysans de l’agriculture familiale de l’Altiplano bolivien à l’épreuve des risques climatiques », Pensée plurielle, 2015, no 3, pp. 121-132 ; Arsène Mushagalusa Balasha, Junior Momba Ndjembe, Nathan Kasanda Mukendi, Jules Nkulu Mwine Fyama. « Caractéristiques de l’agriculture familiale dans quelques villages de Kipushi: Enjeux et perspectives pour la sécurité alimentaire [Characteristics of family farm in some villages of Kipushi: Stakes and prospects for food safety] », International Journal of Innovation and Applied Studies, 2015, vol. 10, no 4, p. 1134.

6 Horlings Lummina, Marsden Terry, « Towards the real green revolution? Exploring the conceptual dimensions of a new ecological modernisation of agriculture that could ‘feed the world’ », Global environmental change, 2011, vol. 21, no 2, pp. 441-452; Chappell Michael Jahi, Liliana LaValle, « Food security and biodiversity: can we have both? An agroecological analysis », Agriculture and Human Values, 2011, vol. 28, no 1, pp. 3-26.

7 Barrett Christopher, Mark A. Constas, « Toward a theory of resilience for international development applications », Proceedings of the National Academy of Sciences, 2014, vol. 111, no 40, pp. 14625-14630.

8 Vonthron Simon, Dury Sandrine, Fallot Abigail, Alpha Arlène, Bousquet François, « L’intégration des concepts de résilience dans le domaine de la sécurité alimentaire : regards croisés ». Cah. Agric., n° 25, 2016, p. 64001.

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