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Le monde entier fait face à la crise du Covid-19 depuis novembre 2019. L’Afrique a enregistré son premier cas en février 2020 et depuis, le continent subit cette crise de plein-fouet. Du fait de cette situation, les pays supportent plusieurs chocs externes – notamment épidémiologique et économique – qui s’accentuent mutuellement, occasionnant des effets adverses sur les secteurs vitaux et économiques des pays. Dans la plupart des Etats africains, les systèmes de santé sont mis à rude épreuve spécialement par le manque de personnel médical, les systèmes éducatifs sont à l’arrêt en raison de l’inexistence de dispositifs éducatifs à distance. De plus, des millions de personnes entrent en chômage en raison de la précarité de leurs activités et du taux élevé de l’informel – environ 80% des emplois non agricoles sont exécutés dans les secteurs d’activités non enregistrés – . L’informel contribue en effet à environ 55%[1] du Produit Intérieur Brut (PIB) cumulé de l’Afrique subsaharienne. Le choc économique pourrait avoir beaucoup plus d’impact que le choc sanitaire. Il est important que les pays africains envisagent un modèle de développement pro-pauvre en raison et en fonction de leur vulnérabilité structurelle, afin de se protéger contre de pareilles circonstances à l’avenir.

  I- Conséquences des chocs épidémiologique et économiques

Les chocs liés à la pandémie du Covid-19 suscitent plusieurs interrogations. Le choc épidémiologique est relatif à la propagation du virus dont la disparité est évidente entre les pays. Bien que l’interrogation des spécialistes et responsables sanitaires soit focalisée sur la comparaison des tendances de contamination entre le continent et l’occident, les inquiétudes face aux dispositifs et politiques sanitaires montent mais les avis sont divergents quant aux conséquences de la pandémie. D’un côté, certains tablent sur des conséquences dramatiquement plus élevées que nulle part ailleurs en raison de la vétusté des équipements sanitaires, de la quasi-absence de politiques préventives, de l’accès limité aux traitements et/ou encore de la faible confiance des populations aux consignes des autorités sanitaires et gouvernementales. En Afrique subsaharienne, le nombre de médecins pour 10.000 habitants est par exemple de 11 pour le Rwanda ou de 15 pour l’Ouganda contre 71 et 181 respectivement pour l’Autriche et la Norvège en 2017[2]. Le taux d’accès aux soins de santé de base reste parmi les plus faibles au monde et certains pays ne disposent pas encore de laboratoires biologiques répondant aux standards internationaux. Pourtant, dans la déclaration d’Abuja en 2001, les chefs d’Etats et de Gouvernement se sont engagés à consacrer 15% de leur budget annuel aux financements de la santé[3].

 

D’un autre côté, d’autres prévoient des effets beaucoup plus atténués en raison de l’immunité générale due à la jeunesse de la population, de la prétendue fragilité du virus à la chaleur, de l’usage de plusieurs molécules – anti paludéen, anti-rougeole, anti-ébola – qui figurent parmi les traitements en expérimentations contre le virus sur d’autres continents. Ce deuxième argument est conforté par les évidences liées aux pathologies récurrentes sur le continent. En effet, comme l’indique le Rapport 2019 sur le paludisme dans le monde, le taux de mortalité due au paludisme est de 94% dans le monde et 67% en Afrique, tandis que les experts indiquent que la mortalité liée au coronavirus est d’environ 2% dans le monde.

 

Le choc économique quant à lui risque d’être drastique pour la plupart des pays africains. Il sera plus accentué pour ceux d’entre eux qui exportent des matières premières et/ou du pétrole dont les prix se sont sévèrement effondrés par la récession engendrée par la pandémie. Dans les pays à forts investissements directs étrangers (IDE), ceux dépendants des transferts considérables des migrants et/ou encore ceux dépendants du tourisme, plusieurs secteurs seront négativement affectés du fait que les pays d’origine de ces fonds subissent de pleins fouets les ravages provoqués par un arrêt – non anticipé – presque total de l’activité économique.

 

De plus, le niveau de l’informel étant fortement élevé dans la plupart des pays, – plus de 80% en Afrique subsaharienne –, une frange non négligeable de la population se retrouvera dans une précarité extrême et plusieurs millions d’emplois pourraient disparaître en un temps record. Il s’en suivra dans certains pays importateurs nets de produits de consommation de base, des crises alimentaires provenant d’une baisse des importations conjuguée avec l’arrêt et/ou le ralentissement de la production locale. Dans les pays à très faibles revenus et dans ceux à forte pauvreté monétaire, les effets directs des chocs économiques peuvent aller au-delà de toutes autres conséquences notamment celles épidémiologiques, avec un taux élevé de mortalité due à la quasi-absence de protection sociale puis à la lutte pour la survie de la plus grande partie de la population spécialement les jeunes et les femmes. La disparition de certaines entreprises, précisément les très petites financées par les établissements de microfinance ; ces établissements financiers dont la majorité des clients exercent une activité du secteur non enregistré – secteur informel – touchés directement par la crise actuelle.  Les prévisions économiques pour 2020 ont toutes été revues à la baisse depuis l’ampleur des premiers dégâts socio-économiques dus au covid-19 en février 2020. Le taux de croissance du continent africain qui a atteint 2.4% en 2019 devrait passer la barre de deux pourcents en deçà de zéro, s’établissant entre -2.1 et -5.1% en 2020, score historique qui provoquerait une récession sans précédent depuis plus d’un quart de siècle.[4]Lire la suite

[1] Perspectives économiques en Afrique 2014, www.africaneconomicoutlook.org.

[2] Calcul de l’auteur sur la base des statistiques du World Development Indicators (Indicateurs de Développement Mondial : voir https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators).

[3] Note d’information de la Réunion du Comité d’Experts sur la 4ème Réunion conjointe Annuelle Conférence de l’UA des Ministres de l’Economie et des Finances et Conférence de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) des Ministres africains des Finances, du Plan et du Développement économique.

(https://www.uneca.org/sites/default/files/uploaded-documents/CoM/cfm2011/com2011_informationnote10years-after-theabujacommitment_fr.pdf).

[4] https://www.worldbank.org/en/region/afr/.

 

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