« Préface », in Aboudou Walid Agro, Le rêve béninois, Cotonou, Soleil du succès, 2018, pp.13-15.

Dans cet ouvrage, la réflexion de Walid Agro nous convie à un devoir de rêve et à un devoir d’avenir. Le devoir de rêve est bien différent du droit de rêve. Le droit de rêve nous donne la latitude de rêver à tout et à n’importe quoi. Le devoir de rêve, lui, nous impose d’avoir la tête dans les nuages et les pieds sur terre pour produire de l’intelligible, un rêve-fou-rationnel, c’est-à-dire une folie pleine de bon sens, une folie rationnelle et calculante, une folie qui bâtit par les idées et l’action.

Et puis, ce devoir de rêve doit faire signe vers un devoir d’avenir. Ce devoir d’avenir doit être disjoint de notre seule sagacité à produire une mécanique linguistique inintelligible à propos d’un demain et d’un après-demain qui ne sont en rien porteurs ni d’un-à-venir ni d’un avenir. Le devoir d’avenir investit la force d’invention méthodique et pragmatique dans un futur qu’on cherche à maîtriser. Le devoir d’avenir est souci intelligent et sincère du devenir collectif. Il est aussi souci de mobilisation savante des énergies pour des objectifs stratégiquement et clairement définis. Mais en vérité, le devoir d’avenir est avant tout un devoir d’inventaire voire d’archéologie et d’exégèse transparentes de ce qui est déjà-là. Le devoir d’avenir est donc devoir de rétrospection, d’introspection et de prospection. C’est pourquoi toute action publique porteuse de réformes tendant à être présentée comme une action « jamais faite auparavant » est une action lacunaire du devoir d’avenir.

Le devoir d’avenir, en tant que devoir de passé, est injonction à l’humilité, injonction d’aller à l’école de ce qui est déjà advenu et qui est donc porteur d’une mine de leçons que la seule volonté de bien faire ne peut inventer. Finalement, le génie d’avenir est le génie historique, génie du devenir historique : génie qui sait que le devenir collectif est le produit d’une action collective soutenue dans le temps long. Ce génie du devenir historique ne peut être profitable à la société que s’il est entretenu par un génie du leadership ou, pour dire autrement, un leadership génial.

C’est pourquoi, il me semble que l’on ne gagnerait pas grand-chose à lire une fois le livre de Walid Agro. Il faut souvent revenir à lui, discuter avec lui et surtout faire chemin avec lui sur cette longue route du développement de soi par le développement des autres. Car, c’est en effet cela le leadership. Il est loin derrière nous le temps où le leadership consiste à exclusivement manipuler les autres pour atteindre ses fins et à, par suite, les abandonner. Ce leadership marche pour un temps, seulement un temps. Il est producteur de résultats provisoires. Il est fragile. Il est peut être brillant sur l’instant, mais il n’est pas durable. Il est surement regardé, mais au fond, il n’est pas admiré. Ou s’il semble être admiré, il n’est pas vraiment respecté.

Finalement, la proposition de Walid Agro n’est pas facile à tenir. Agir pour le Bien Durable. Agir dans le temps, avec le temps et surtout pour le Temps qui vient, le temps de nos enfants, des enfants de nos enfants, un temps qui n’est pas le nôtre. En fait, pour tenir un tel pari, il nous faut être dignes de ceux après qui nous venons, et dignes de ceux qui viendront après nous. Telle est l’injonction de Walid Agro qu’il nous présente, grâce aux effets bienheureux du style simple et efficace, sous la forme d’une proposition

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