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La grippe, la peste noire, la grippe espagnole, et plus récemment le SIDA. Le monde subit depuis toujours les affres de crises sanitaires à différentes périodes de son histoire.  Ces dernières années, elles se sont rendues un peu plus répétitives avec la maladie de la vache folle, la grippe aviaire, le SRAS, la fièvre Ebola ou la fièvre Zika etc. Elles viennent, avec violence et force, rappeler la vulnérabilité humaine et les conséquences de notre insouciance. L’actuelle pandémie du Covid-19, dont l’ampleur est sans précédent à notre époque, met en lumière les faiblesses latentes de nos systèmes notamment le système éducatif : manque de moyens infrastructurels, techniques et pédagogiques, fracture numérique profonde,  défaut de formation et de préparation adéquate des acteurs du secteur, gage d’une adaptation plus efficace, etc.

Bien qu’aujourd’hui un déconfinement progressif s’opère dans la plupart des pays, et que même dans certains, les écoles ont rouvert leurs portes, il n’est pas exagéré d’affirmer que cette pandémie crée une « catastrophe éducative »[1] en ce qu’elle bouleverse le calendrier scolaire et académique, révèle et accentue les faiblesses des systèmes éducatifs partout dans le monde et impose à travers les gestes barrières l’adoption d’un mode de vie difficilement homogénéisable avec la réalité des pratiques en milieu scolaire. Les pays dont les systèmes éducatifs sont présentés comme des modèles de performances sont ébranlés et essaient tant bien que mal de trouver les solutions d’adaptation à cette nouvelle donne sécuritaire dont l’école doit tenir compte désormais.

Dans ces conditions, il est important de se demander à quel point seront affectés des pays comme le Bénin, qui affichent déjà de faibles performances éducatives, une faible capacité de rétention scolaire et de résilience et quelles réponses immédiates les acteurs du système éducatif sont en mesure d’apporter pour assurer la continuité des enseignements pour les élèves. Mais il est encore plus important d’imaginer ou d’explorer les opportunités de mutations qu’offre, au système éducatif national, cette pandémie. Après la crise, trouver les moyens de jeter les bases d’un système éducatif moderne capable de mettre la technologie au profit de l’apprentissage, d’intéresser davantage l’apprenant en repensant le contenu des programmes et en adoptant des démarches pédagogiques, s’adaptant mieux à ses réalités afin d’inséminer en lui la capacité à résoudre les problèmes de vie.

  1. Les impacts de la crise sur le système éducatif béninois

Avant le Covid-19, malgré un taux brut de scolarisation très proche de 100% sur plusieurs années[2], les performances de l’école béninoise affichaient déjà un tableau peu reluisant. Une difficulté de rétention avec un niveau d’accès bas dans les cycles post primaires. Par exemple, le taux d’achèvement au premier cycle du secondaire est de 45%[3] alors qu’il est de 28% pour le second cycle[4]. Plusieurs sources d’informations s’accordent  pour constater que le niveau des acquisitions des apprenants béninois est largement en dessous des attentes notamment le rapport d’évaluation 2014 du PASEC/CONFENEM[5] qui classe le Bénin à l’avant dernier rang sur dix systèmes nationaux d’Afrique évalués. Bien que datant de plus de six années, ce rapport reste le dernier que le PASEC a publié et les résultats pour le Bénin ne doivent pas avoir fondamentalement changé à ce jour. D’ailleurs, ces  niveaux d’acquisition faibles sont confirmés par les résultats aux examens nationaux caractérisés par un taux d’échec important. En 2019, l’évaluation du personnel enseignant[6] organisée par le gouvernement a révélé d’importants problèmes de niveau académique et pédagogique chez les enseignants. Par ailleurs, on peut évoquer de façon spécifique la déscolarisation des filles, le non achèvement des programmes et bien d’autres faiblesses. Il est évident que l’avènement du Covid-19 amplifiera ces difficultés et entravera les poussives avancées obtenues ces dernières années.

La fermeture des écoles, décidée par le gouvernement, pour empêcher la propagation du virus, a sans doute déjà des répercussions sur l’ensemble du système éducatif national. Ces impacts touchent et toucheront surtout les apprenants, mais également les enseignants et le mode de fonctionnement de  l’école.  Sur les élèves, l’interruption des apprentissages prive un grand nombre d’entre eux des possibilités de développement et de perfectionnement. Pour ceux qui avaient déjà des difficultés d’apprentissage, cela amplifie les risques de décrochage. Ces mêmes risques de décrochage existent dans les milieux défavorisés ou les jeunes ont moins d’opportunités éducatives en dehors du cadre scolaire.  Les mesures sécuritaires accroissent la vulnérabilité économique des familles et les risques d’une délinquance juvénile pour leurs enfants. Le manque d’interaction sociale que procure l’école est également un élément de perturbation et de vulnérabilité des plus jeunes. La faible acquisition des savoirs, consécutive au non achèvement des programmes pourrait en rajouter au taux d’échec déjà préoccupant. On peut également évoquer la fonction alimentaire pour les enfants qui n’ont la garantie d’un repas sain qu’à travers leur présence à la cantine scolaire. La fermeture des écoles peut donc avoir des risques  sur la sécurité alimentaire des enfants…Lire la suite

[1] Jean-Michel Blanquer, Radio France Internationale (RFI), le 24 avril 2019.

[2] PSE (Plan Sectoriel de l’Education) post 2015, p. 28.

[3] PSE pos, 2015, p. 38.

[4] PSE post 2015, p. 39.

[5] Programme d’Analyse des Systèmes Educatifs /Conférence des Ministres de l’Education des Etats et Gouvernements de la Francophonie. Le rapport d’évaluation de 2014 reste le tout dernier du PASEC à ce jour.

[6] Evaluation des compétences académiques et pédagogiques des contractuels de la promotion 2007, organisée en 2019.

 

 

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