Cher concitoyen1, vous venez solliciter nos suffrages pour être élu député. Selon notre Constitution du 11 décembre 1990, si vous êtes élu, vous allez voter des lois et contrôler l’action du Gouvernement2 parce que vous serez notre représentant3. Mais, certains d’entre nous, à tort ou à raison, doutent de vous, de vos qualités, de vos capacités à assumer comme il faut ces fonctions. Avant tout, ils se demandent si vous connaissez le peuple que vous voulez représenter. Si oui, quel est, selon vous, son état d’esprit et son état de vie actuels ? Autrement, cher Futur Député, comment vont et vivent les Béninois aujourd’hui ? Quelles sont leurs aspirations profondes ? Quelles sont leurs craintes et leurs peurs ?

Le tout n’est pas d’être député si le pays n’est pas en paix. Que ferez-vous pour que les élections législatives soient libres, justes, crédibles, équitables et transparentes ?

Toutes les formations politiques de notre pays proclament partout leur détermination à promouvoir les jeunes et les femmes. Alors, cher Futur Député, combien de jeunes, de 25 à 40 ans, et combien de femmes, votre parti positionne-t-il comme têtes de listes aux législatives ?

Vous savez aussi que dès qu’on s’engage dans la vie publique, on est exposé à la diversité des opinions et à toutes les rumeurs sur soi. Pour nous rassurer, avant que les rumeurs, et peut-être les vérités, ne viennent vers nous, dites-nous de vous-même : qui êtes-vous ? quelles sont les valeurs auxquelles vous croyez et qui fondent votre vie personnelle et publique ? qu’avez-vous fait, que faites-vous, sur les plans professionnel, social ou politique qui peut convaincre vos compatriotes que vous ferez et serez un bon député, et que vous êtes digne de confiance ? Pourquoi voulez-vous être député et pourquoi ne choisissez-vous pas d’occuper une autre fonction dans la République ? Entre nous, est-ce pour aller protéger vos intérêts et vous-même, vous cacher sous le couvert de l’immunité parlementaire afin de ne pas répondre de quelques « affaires » pas claires ? Justement, quelles sont les « affaires » que vous avez gérées ou dans lesquelles vous êtes impliqué et pour lesquelles la République pourrait vous demander des comptes ? Soyez franc avec nous, puisque nous nous informons sur vous, sur votre passé et votre présent dans l’Etat.

Concrètement, quels sont vos projets de législature ? Quelles sont les cinq (5) lois que vous pensez qu’il faut impérativement supprimer du corpus des lois de notre pays ? Et pourquoi ? Ou, quelles sont dans ces lois les dispositions qui posent problème ? Quelles sont les cinq (5) lois que vous pensez qu’il faut impérativement améliorer ? Quelles sont dans ces lois les dispositions qu’il vous semble pertinent de modifier ? Et pourquoi ? Quel impact concret la modification de ces lois pourrait avoir sur la gouvernance de notre pays et sur la vie des Béninois et quels sont les dangers à ne pas les améliorer ? Quelles sont les cinq (5) lois que vous proposerez au cours de votre mandature ? Et pourquoi ? Avec quel impact sur la gouvernance et sur nos vies ?

Pourquoi, selon vous, malgré les décennies qui passent, bien des Béninois restent admiratifs et nostalgiques de la première législature du Renouveau démocratique et de ses députés ? L’Histoire dit d’eux qu’ils étaient des hommes et des femmes d’Etat, de très grande valeur. L’Histoire dit surtout d’eux qu’ils n’étaient pas des Saints mais que beaucoup avaient une rectitude morale admirable et une conscience patriotique aiguë.

Assemblée nationale

La qualité de la gouvernance – au moins du point de vue économique – du président Nicéphore Soglo doit sans doute à ses compétences et à celle de son équipe. Mais, elle doit beaucoup aussi à la rigueur du contrôle de son action par cette première législature. Et vous, cher Futur Député, quels sont les cinq (5) sujets sur lesquels vous exercerez avec détermination votre pouvoir du contrôle de l’action du Gouvernement ?

Peut-être, vos illustres prédécesseurs ont-ils entendu l’exhortation du Président du Haut Conseil de la République, Monseigneur Isidore de Souza, de très vénérée mémoire, lors de leur installation le 1er avril 1991 : « Que nul ne s’avise d’abuser de la bonne foi de notre peuple qui n’a que trop souffert. De toute façon, ne nous leurrons pas, le peuple ne suivra pas, les ouvriers ne suivront pas, les paysans ne croiront pas, les fonctionnaires ne marcheront pas, si l’exemple – le bon exemple – ne vient d’en haut, pour inviter aux sacrifices justes, efficaces et partagés dans la solidarité vraie. Nous nous sommes engagés, à des degrés divers, à servir notre peuple et non à nous servir de lui et de ses biens déjà si rares. »4.

Ailleurs, en Ukraine précisément, il n’y a pas si longtemps, des députés qui n’ont pas suivi ces conseils de Monseigneur de Souza, ont été contraints par leurs concitoyens d’être enfermés pendant quelques minutes dans des poubelles avant de rejoindre tout sales l’hémicycle.

Au Bénin aussi, les citoyens les plus jeunes, et les plus nombreux, que vous êtes appelés à gouverner, n’ont pas notre patience, encore moins celle de nos pères et de nos mères …

Monseigneur de Souza vous aura avertis !

 

1 Le masculin désigne sans distinction la femme et l’homme. 2 Article 79 de la Constitution du 11 décembre 1990.
3 Article 80 de la Constitution du 11 décembre 1990. 4 Isidore de Souza, « Allocution à l’installation officielle de l’Assemblée Nationale le 1er avril 1991 », La Nation, n°228, 1991, cité par Isidore de Souza, Ecrits socio-politiques. Eglise, démocratie, développement au Bénin et en Afrique, Textes rassemblés et présentés par Rodrigue Gbédjinou, Cotonou, Ed. IdS, tome 3, 2012, (376 p.), p. 43.

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