Anselme Amoussou, Secrétaire Général de la Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin (CSA-Bénin)

Anselme Amoussou, Secrétaire Général de la   Confédération des Syndicats Autonomes du Bénin (CSA-Bénin)

Le Bénin se vante de la paix sociale qu’il préserve depuis le renouveau démocratique. C’est une singularité précieuse dans un environnement géopolitique perturbé par des instabilités sociales. Une paix relativement précaire qui a souvent été malmenée par des conflits sociaux générés par la mauvaise qualité du dialogue social. Or, seule une paix sociale durable peut contribuer au développement et à l’épanouissement. Le renforcement de cette paix incombe entre autres au parlementaire à travers l’une de ses missions premières, le vote des lois.

Le renouvellement du mandat des députés pour une huitième mandature offre l’opportunité aux travailleurs d’attirer l’attention du futur député sur la nécessité d’adopter une démarche susceptible de contribuer à la préservation et à l’enracinement de la paix sociale.

Nous devons tirer leçon des pratiques parlementaires passées pour mieux contribuer à la paix sociale. Dans ce sens, que retenir du député de la septième législature ?

La 7ème législature a été très prolifique en matière de législation. Plus de 140 textes de lois étudiés et votés. C’est un record selon les observateurs. Et il faut en féliciter les membres de cette mandature. Mais, ces lois portent-elles en elles les germes d’une paix sociale durable, d’un projet de progrès économique durable ? Le député de la 7ème législature a-t-il véritablement travaillé à consolider la paix sociale ?

Nous devons nous rappeler que l’élément déclencheur des mouvements de grève de l’année 2018 a été la modification de la loi portant exercice du droit de grève1 et celle portant statut général de la fonction publique2. L’action législative a ainsi généré une tension sociale sévère. Onze (11) semaines de perturbations de la paix sociale provoquées par une loi d’initiative parlementaire. Reviendriez-vous, cher futur député, sur les lois polémiques de la 7ème législature qui ont mis à mal la paix et la cohésion sociales ?

 Retrait du droit de greve la marche des syndicats sur l'assemblee nationale

Retrait du droit de greve la marche des syndicats sur l’assemblee nationale

 

Que peut-on attendre de vous, député de la 8ème législature ?

Cher futur député, comment comptez-vous être un artisan de la paix sociale à travers le style d’exercice de votre mandat ? Comment ferez-vous pour rechercher constamment la légitimité de votre action au-delà de celle que vous confère votre élection tout en exerçant pleinement votre fonction législative ?

Vous ne devez pas vous satisfaire exclusivement de la pertinence et de l’utilité de votre action. Mais au contraire, en tant qu’acteur public dans une démocratie en adolescence, vous devez aussi viser et revendiquer la légitimité de l’intervention publique. Le gain de vos actes parlementaires, pour le bien-être commun, passe aussi par le gain pour l’apaisement social. Concilier ces deux impacts positifs est ce qui a manqué à la mandature finissante. Il est aussi attendu de vous que vous œuvriez, aussi bien dans vos relations avec vos adversaires politiques que les acteurs de la société civile, les citoyens et plus particulièrement les organisations syndicales, à la construction et à la préservation de l’apaisement social.

Cher futur député, pouvez-vous rassurer les organisations syndicales de travailleurs de votre engagement à exercer votre mandat :

  • en évitant les attitudes qui vous font apparaître comme le seul dépositaire de la volonté du peuple, en tant que pouvoir législatif pour tout le mandat et vous refuser ainsi à toute concertation et concession ?
  • en remettant dans votre agenda politique et social les valeurs de solidarité, d’humilité, d’équité et de citoyenneté pour donner un contenu positif à la notion de représentation ?
  • en veillant à la crédibilité de l’action législative par la proximité de vos décisions avec la compréhension du citoyen et en évitant toutes démarches susceptibles d’affaiblir l’idéal démocratique et de mettre en danger la paix sociale ?
  • en étant l’artisan inlassable d’une plus grande implication citoyenne en vue d’une responsabilisation collective par le dialogue, les échanges, la participation ?
  • en formalisant le dialogue social avec la société civile par des rencontres d’échanges où vous soumettez les initiatives de lois aux avis du citoyen pour profiter de la diversité des points de vue et diminuer les malentendus et les crises ?

Faciliter la compréhension ou la coproduction de la législation ne peut qu’être bénéfique pour le renforcement de la démocratie, de la paix sociale et donc du développement de notre pays.

1 Loi n°2018-34 du 5 octobre 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-09 du 21 juin 2002 portant exercice du droit de grève en République du Bénin.
2 Loi n°2018-35 modifiant et complétant la loi n° 2018-18 du 1er septembre 2017 portant statut général de la fonction publique en République du Bénin.

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